Les héros succèdent
aux stars.
Etre ou ne pas être une star. La question n'est plus là.
Images fixes d'un film au ralenti, les stars appartiennent à l'ère industrielle. Pas à celle de la communication.
Elles étaient les réponses simples et distantes destinées à une opinion embarquée dans un gigantesque effort vers le progrès matériel.
Aux stars revenait la fonction sociale de vivre par procuration les excès désirés et les aventures impossibles. L'opinion les poussait toujours plus vers un olympe artificiel à l'image du paradis.
Le scénario «star» amorce largement sa décadence, ce qui ne l'empêche pas de briller encore aujourd'hui de quelques-uns de ses plus beaux feux.
A l'image de ces étoiles vieillissantes dont les rayons lumineux poursuivent leur course alors que leurs réacteurs nucléaires commencent à avoir un sérieux retard à l'allumage.
La communication de masse a renversé, dans sa vitesse, les statues éternelles, vite remplacées par des statuts provisoires.
Les stars s'allumaient par effets de sur place. Les courants d'air médiatiques les éteignent rapidement.
Les stars n'existaient que dans l'obscurité nécessaire à leur éclat. Remonter les fils jusqu'au disjoncteur ne servait à rien, chacun ayant intérêt à ne pas savoir et à ne pas voir,.
Il y avait dans la vraie star, un mélange chromosomique qui hurlait sa rage d'être unique. Rien à voir avec le dernier robinet du plombier local promu pseudo «star» au prochain salon des arts ménagers.
Marchands et politiques en tête, la starmania subsiste encore. Un peu comme ces châteaux habilement reconvertis en relais touristiques et soldant un prestige jadis inaccessible.
On se mettra assez vite d'accord sur les analogies entre la naissance de héros légendaires tels Moïse, Sargon, Kama, Ion, Romulus et Rémus, Nélia et Pélias, Amphion et Zéthis. Il en est de même, aujourd'hui, des idoles de Londres, Milan, Tokyo, Paris... Leur simultanéité est la seule véritable nouveauté.
Il s'aimait d'un amour qui n'était pas partagé. Par dépit, il se quitta et devint le héros qu'il avait toujours voulu devenir.
Leur statut social contraint les héros médiatiques à être constamment au front.
Le poids de ses différences accompagne l'existence solitaire du héros médiatique.
Après avoir servi trop de sourires victorieux, quelques héros souverains accèdent au désir de se reposer.
Dans le regard du héros médiatique, il y a l'ironie des défaites futures. La faveur populaire est son obsession. Cela dit, l'opinion, qui a désormais le sens du confort, lui demande davantage d'être une distraction valorisante qu'un Roland de Roncevaux.
Dans la religion médiatique, les nouveaux idoles doivent être bien visibles.
Etre médiatisé ou quitter la terre ferme, revient au même. Les trajectoires somptueuses sont pour quelques Icares chanceux. Ceux dont l'altimètre indique, avec exactitude, le bon niveau de vol entre la surchauffe des sunlights et la rocaille des anonymes.
L'enjeu médiatique déclenche chez les postulants à la gloire, des excès de comportement comme on en trouve habituellement au casino. Là où sont jetées des mises aléatoires.
Entre les mégalos s'agitant désespérément pour prendre leur envol médiatique et les opportunistes faisant tout pour se faire remarquer/remorquer, il y a les héros utiles. Ils allient le sens de la performance au respect de l'opinion qui les porte.
Les actes du héros doivent trouver leur bonne cadence. Sinon, ils se dégradent et l'opinion en fait vite le tour.
Une poignée de monarchies folkloriques entretient encore quelques héritiers. Partout ailleurs, les princes modernes doivent être démocratiques et médiatiques.
Etre prince influent, c'est être partout et nulle part. Les médias faisant preuve d'une même ubiquité, ce trait commun est facteur d'alliance entre eux.
Quel leader pourrait soutenir que son discours, quand il parle aux autres, n'est pas influencé par son statut social, son appartenance à une génération, son rôle professionnel, la structure du groupe dont il dépend, ses intérêts personnels, son affiliation ethnique, les contours du pouvoir qu'il détient ou recherche, les mœurs sociaux en place ...
Devenir héros, c'est naître une seconde fois. L'immaculée communication en quelque sorte.
Vivre jour après jour avec leur image la plus bornée est le tribut que les héros doivent acquitter à leur notoriété.
L'homme qui devient vedette, fait l'expérience à laquelle sont soumises toutes les ravissantes adolescentes : se frayer un chemin entre les regards désireux et s'offrir, en toute impunité, des caprices ravageurs.
Ce qui pourrait être charmant chez le héros serait une conjugaison efficace de l'effort et de la frivolité.
Les studios de télévision excellent dans leur rôle de couveuses pour « nourrissons de Zeus ».
Difficile de toujours comprendre ceux qui s'acharnent au sommet de leur gloire. Tout le monde sait bien, pourtant, que les longues descentes à l'ombre sont les plus agréables.
Ce qu'il y a de troublant dans la proximité physique avec un leader, c'est l'absence de prises où il puisse être saisi en cas de conflit. Lui, dispose de vastes zones d'appui pour faire chuter les autres d'un simple regard.
Pour descendre dans l'arène de l'actualité, apprendre à danser est impérieux. Comment faire comprendre cela aux maladroits ratant le moindre salto.
Devenir un monstre télévisuel suppose d'être convaincant, sincère, chaleureux, rapide, drôle, puissant, rusé. Enfin, et si possible, avoir quelque chose à dire.
Il faut être clair. L'autorité et l'influence des leaders culturels, sportifs, économiques, politiques, reposent désormais sur les effets précaires de leur notoriété.
La presse offre rarement aux gagneurs assez de cette légitimité dont ils s'estiment redevables.
Le véritable objectif des politiques de communication de toute institution reste le renforcement pur et simple de leur féodalité, sous couvert d'ouverture.
Entre le modèle Gandhi et le modèle Napoléon, trouver la bonne voi(e)(x) est une des grandes interrogations du Chef. Les événements décident, souvent, à sa place.
La phénoménale résonance médiatique est l'ingrédient objectif de héros aux allures quasi magiques.
Il faut, aujourd'hui, crier son entreprise avant de la créer.
L'égratignure médiatique est la pire des blessures infligées à un dirigeant. Une caresse de presse paraît produire, à l'inverse, une décharge de jouissance quasi incontrôlable.
Le peu d'appétit des vrais riches pour la notoriété est remarquable.
La tentation nobiliaire de la bourgeoisie s'estompe pour faire place à une frénésie de notoriété médiatique. Il fallait avoir un nom. Aujourd'hui, il faut s'en faire un.
Aux carriéristes de l'opinion sans aucune base légitime, il convient de distiller son mépris.
Il leur est recommandé d'être lâche avec leur bonne conscience pour servir leur bonne réputation.
La vantardise devant un effet bénéfique imprévu, ainsi qu'une grande fébrilité à l'approche de risées médiatiques non désirées, restent deux comportements fréquents chez le héros traçant sa route médiatique.
Etre touché par la gloire entraîne une double attitude vis-à-vis de l'opinion. Il convient de considérer cette dernière avec condescendance afin de rehausser sa propre position. Il est tout autant indispensable de taxer ses admirateurs d'une certaine qualité afin que la gloire qu'ils attribuent soit de bonne légitimité.
Faisant résonner l'anodin, les médias finiront bien par inciter les hommes de peu d'envergure à se prendre au sérieux.
Sur la place publique, le véritable talent du héros serait d'interrompre sa course au zénith de sa gloire.